Alors que Paris va accueillir, du 20 novembre au 11 décembre, la 21ème conférence mondiale sur le climat, la France est désormais engagée de plain-pied dans sa transition énergétique. Rénovation thermique, mobilité durable et énergies renouvelables : les premières avancées se révèlent très encourageantes pour la suite du processus.
Disons-le vertement : les temps n'ont jamais été aussi propices, en France, pour une transition énergétique efficace. Esquissée en 2007 lors du Grenelle de l'environnement, la réflexion autour d'un nouveau paradigme sur la consommation de l'énergie se matérialise aujourd'hui. La loi pour la croissance verte adoptée le 22 juillet dernier, fixe un cadre juridique nécessaire et ambitieux pour, d'une part, réduire la facture énergétique du pays (70 milliards d'euros) et, d'autre part, lutter contre le réchauffement climatique. A ce titre, le gouvernement français, qui souhaite diminuer drastiquement les émissions de gaz à effet de serre – les énergies fossiles ne pèseront plus que 30 % dans le mix d'ici 2030 –, va jouer sur trois tableaux majeurs : l'habitat, les transports et le développement des énergies renouvelables. Trois secteurs qui ont déjà enregistré quelques avancées encourageantes.
Vers des bâtiments énergétiquement exemplaires
La loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte (TECV) se devait d'aborder la question des rénovations thermiques bâtimentaires. En France, le secteur de l'habitat est considéré comme le premier poste de consommation d'énergie, loin devant les transports – plus de 40 % contre plus de 30 %. Le gouvernement veut donc s'attaquer en premier lieu aux bâtiments les plus énergivores : « Tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures (kWh) d'énergie primaire par mètre carré et par an doivent avoir fait l'objet d'une rénovation énergétique » d'ici 2025. Ainsi, d'après l'article 3 de la loi TECV : « La France se fixe comme objectif de rénover énergétiquement 500 000 logements par an à compter de 2017, dont au moins la moitié est occupée par des ménages aux revenus modestes (...) » S'il faut attendre que les premiers décrets d'application soient publiés pour en savoir un peu plus, le train de l'excellence énergétique bâtimentaire est déjà sur les rails.
Aujourd'hui, tout bâtiment neuf, qu'il soit résidentiel ou non, ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire déposée après le 1er janvier 2013, doit respecter la réglementation thermique 2012 (RT 2012). Dont l'apport majeur, par rapport aux précédentes réglementations, est de garantir une isolation et une étanchéité plus performantes, afin de réduire notamment les ponts thermiques – ou déperditions d'énergie. Pour être labellisée BBC (bâtiment basse consommation), une habitation ne doit pas dépasser 50 kWhep (énergie primaire) par mètre carré et par an. A l'avenir, il deviendra de plus en plus courant d'obtenir le label BEPOS (bâtiment à énergie positive), le graal, en quelque sorte, de la construction bâtimentaire.
L'Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie (ADEME), coordinatrice des politiques gouvernementales relatives à l'environnement et à l'énergie, est plutôt optimiste : eu égard aux premiers retours d'expérience, le bâtiment à énergie positive sera une réalité d'ici 2020 – date de la nouvelle réglementation thermique. Concrètement, un BEPOS est un bâtiment qui produit plus d'énergie qu'il n'en consomme. Et avec l'arrivée des réseaux électriques intelligents (ou « smart grids »), la pratique va être facilitée : une maison pourra parfaitement installer une centrale de production énergétique, grâce aux énergies renouvelables – photovoltaïque surtout –, afin d'alimenter son foyer. Et réduire, par conséquent, sa facture énergétique.
Des transports publics ou privés qui verdissent
Autre volet majeur de la loi TECV : les transports. S'ils n'occupent « que » le deuxième poste de consommation énergétique derrière l'habitat, c'est le secteur qui émet le plus de gaz à effet de serre, avec 27 % des émissions totales en 2011. Qu'ils soient publics ou privés, collectifs ou – le moins possible – individuels, véhiculent des personnes ou convoient des marchandises, les transports ont donc besoin d'une sérieuse mise au vert.
Souvent pointés du doigt pour la pollution qu'ils génèrent dans les grandes agglomérations, les bus et autres autocars sont les premiers visés par la loi. D'après l'article 36 : « Le développement et le déploiement des transports en commun à faibles émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques constituent une priorité tant au regard des exigences de la transition énergétique que de la nécessité d'améliorer le maillage et l'accessibilité des territoires. » Aujourd'hui, la mue des transports publics est déjà largement entamée : dans les grandes villes, les compagnies ont arrêté de carburer au 100 % diesel pour se tourner progressivement vers le tout-électrique – comme c'est le cas à Bordeaux et à Toulouse. A Paris, la Régie autonome des transports parisiens (RATP), gestionnaire du parc et des lignes de bus en Ile-de-France, renouvelle sa flotte depuis quelques années et possèdera, à l'horizon 2025, 80 % de bus électriques et 20 % de bus roulant au biogaz. Sans compter les tramways ou les transports par câbles, de plus en plus à la mode, comme à Grenoble, l'air urbain en France est donc progressivement délesté de ses amas de particules fines extrêmement pollueuses.
Si le gouvernement souhaite améliorer la qualité de vie de la population en remodelant les transports publics, il encourage également le transport particulier à évoluer. D'après la loi TECV : « Le développement de véhicules à très faibles émissions sur leur cycle de vie est un enjeu prioritaire de la politique industrielle nationale. » Autrement dit : les pouvoirs publics entendent tout faire pour développer et commercialiser au maximum les voitures électriques. Vendredi 9 octobre dernier, la ministre de l'Écologie, Ségolène Royal, annonçait sur le plateau d'iTélé un coup de pouce supplémentaire aux particuliers qui souhaiteraient remplacer leur vieux diesel par un véhicule électrique. « Nous allons donner le bonus de 10 000 euros pour l'achat d'un véhicule électrique en échange de l'abandon d'un vieux véhicule diesel de plus de 10 ans, au lieu de plus de 15 ans actuellement » a-t-elle ainsi précisé. De quoi booster davantage ce marché, tandis que, « ces six derniers mois, les ventes de véhicules électriques ont augmenté de 70 % » selon la ministre.
Le photovoltaïque devient rentable.
Le troisième axe majeur – et non des moindres – de la loi TECV à enregistrer de belles avancées, c'est celui du renouvelable. Les énergies vertes ont vocation, d'ici 2030, à supplanter les énergies fossiles, très pollueuses, pour atteindre 40 % du mix électrique. Aujourd'hui, selon RTE, gestionnaire du réseau de transport d'électricité en France, qui se base sur une période allant du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, 19,3 % de la consommation électrique nationale ont été couverts par le renouvelable – soit 91,3 TWh.
Des chiffres encourageants, donc, portés en grande partie par l'hydraulique, qui représente les deux tiers de la capacité électrique française issue des énergies renouvelables (ENR). Et qui va continuer de se développer : au début du mois d'octobre, la centrale hydroélectrique du Rondeau, en Isère, a été inaugurée ; mise en service en février dernier par EDF, il s'agit de la première centrale de ce type installée en milieu urbain, et de la plus puissante des micro-centrales de France. Elle permet en tout cas à l'électricien français de poursuivre sa politique ENR, comme l'a détaillé son PDG, Jean-Bernard Lévy : « Les énergies renouvelables sont au cœur de notre plan stratégique : pouvoir orienter davantage de financements vers les investissements verts d'EDF est essentiel à notre ambition de doubler la capacité renouvelable du groupe de 28 GW à environ 50 GW d'ici 2030 ».
Du côté du photovoltaïque, longtemps considéré comme la source d'énergie renouvelable la moins rentable, de nombreux projets prévoient aujourd'hui de vendre de l'électricité solaire à 70 euros le mégawattheure – contre 87 euros en moyenne actuellement. Alors que l'énergie photovoltaïque ne pèse qu'1 % dans la consommation électrique finale, elle est en passe d'atteindre la parité réseau, c'est-à-dire la rentabilité sans subvention, et donc de devenir très compétitive. Dernière innovation en date : Colas, la filiale de Bouygues en charge des infrastructures routières, vient de concevoir un revêtement pour voirie avec des cellules photovoltaïques incrustées. Selon Hervé Le Bouc, son PDG : « Il s'agit d'un revêtement routier commercialisé sous forme de dalles qui s'appliquent sur les routes ou parkings. » Cette mini-révolution, baptisée « Wattway », produira donc de l'électricité par la simple exposition du revêtement au soleil, et permettra d'alimenter en électricité les signalisations lumineuses aussi bien que l'éclairage public.
Cette avancée majeure – une première mondiale – en matière de photovoltaïque et, au-delà, d'énergies renouvelables, est à mettre assurément au crédit d'une France qui est engagée pleinement dans la transition énergétique. Et prouve que tous les acteurs, institutionnels ou entreprises, publics ou privés, sont concernés.
Auteur
Pierre Marnier
Source : notre-planete.info, http://www.notre-planete.info/actualites/4361-transition-energetique-France#bouton